esprit de vin philosophique

  • Comment distille-t’on l’Esprit-de-Vin ?

    Comment distille-t’on l’Esprit-de-Vin ?

    Une amie vient de me poser cette question par message texto à laquelle j’ai bien-sûr répondu.
    Je me suis dit qu’un petit rappel pourrait être utile à tous et je vous propose un petit mémo sur le sujet.

    J’ai deux catégories d’amis qui sont intéressés par la question de la distillation de l’alcool de vin : les bouilleurs de cru et les alchimistes. Je vais commencer par expliquer la distillation de la fine avec un alambic à repasse, et puis je décrirai comment les alchimistes font leur « Esprit-de-Vin Philosophique ».

    1. Distiller du vin avec un alambic à repasse

    Le principe est simple : avec un alambic à repasse, on doit distiller deux fois. Distillation bouilleur de cru
    La première fois, que l’on appelle la « cuite » (je suis sérieux), le but est de récupérer tout l’alcool. C’est un travail de dégrossissage.
    On met le vin (ou les fruits, c’est pareil) dans la marmite, on distille tranquillement jusqu’à qu’il n’y ait plus d’alcool du tout. Quand le distillat a un goût de flotte, sans plus d’alcool restant, alors on peut arrêter. On a alors un « brouilli » (qui est une sorte de brouillon) qui titre entre 25 % et 60% selon différents facteurs, ça n’a pas d’importance.
    On vide alors l’alambic, on nettoie, et on recharge pour...
    La seconde passe. La « repasse » est l’affinage. On distille doucement. En tête de distillation (au début), on voit arriver les « têtes », qui ont une odeur d’alcool à brûler (on ne goûte pas les têtes, on les sent avec le doigt mouillé). Elle forment entre 10 et 15 % de l’alcool total. On doit les jeter, elle serviront à allumer le prochain feu.
    Ensuite, apparait le « cœur » de la distillation qui sent bon et à le goût du fruit, c’est l’alcool que l’on cherche. Il y a entre 50 et 70 % d’alcool de cœur dans l’alcool total du vin.
    Enfin, le goût devient plus fort, plus onctueux mais plus âcre, les queues arrivent et on peut arrêter la distillation (je ne vous donne pas mes % plus qu’approximatifs et vous laisse calculer si ça vous démange, mais la vérité est dans le test au doigt et non dans les chiffres). C’est terminé.
    Bien distillé, l’alcool de vin titrera entre 70 et 80 % dans la plupart des cas, mais c’est votre matériel et votre technique qui décideront.
    Si vous avez un alambic « à une passe » équipé d’un système de rectification (colonne de rectification, lentille...), passez directement à la seconde étape (pas de cuite).

    2. Distiller un « Esprit-de-Vin philosophique » pour la Spagyrie ou l’Alchimie

    Distillation tdem Ici, on distille une relativement petite quantité de vin avec une cornue, une tête-de-Maure ou un train de distillation en verre. Ces matériels sont très lents, les gouttes coulent peu à peu, ce qui laisse à l’alchimiste le temps de méditer sur l’être et le néant, ou sur autre chose selon...
    On va distiller un certain nombre de fois sans but d’augmenter le degré qui sera très rapidement au maximum possible (+ 90 %), mais de « purifier » l’esprit-de-vin jusqu’à arriver à une qualité impalpable mais importante en alchimie/spagyrie : le caractère philosophique.

    La première distillation consiste à récupérer tout l’alcool, sans séparation de têtes et de queues (comme pour la distillation de la fine avec un alambic).
    C’est à la deuxième passe que l’on va faire les coupes, sans chercher à séparer totalement les têtes et les queues qui seront éliminées lors des distillations ultérieures (et aussi parce qu’en alchimie/spagyrie, la présence relative de têtes et de queues n’est pas très grave).

    Lors des distillations suivantes, on enlèvera les premières gouttes qui rincent la tuyauterie, et la fin de la passe lorsque le degré baisse et que le liquide se trouble.
    On a l’habitude de distiller entre 5 et 10 fois avant de considérer que c’est suffisant.

    Et le « caractère philosophique » en fait, c’est quoi ? Le caractère « philosophique » est « ami de la Sagesse », autrement dit, et pour faire simple, c’est Amour (l’amour qui émane de vous pendant la distillation) et Lumière (distillation au soleil de préférence). L’odeur sublime qui apparaît au bout de ces nombreuses repasses est l’indicateur du succès.

    L’interprétation de ce qu’est l’esprit-de-vin philosophique au XX° consistait à fixer le nombre de distillations au nombre symbolique 7, la dernière étant faite avec l’ajout de carbonate de potassium (cendres végétales) pour atteindre un degré proche de 100 %. Cette façon de voir me semble assez idéaliste, théorique, non traditionnelle, et surtout inutile. Mais je laisse à chacun son avis sur ces questions...

    Vous avez sans doutes remarqué que, comme Paracelse avant moi, je n’utilise ni alcoomètre, ni thermomètre, mais mon doigt, ma langue et mon nez.

    (Au fait, « Ni alcoomètre ni thermomètre ! » ça pourrait faire une belle devise non ?) Bonnes distillations !

    Matthieu Frécon, Sarreyer, Pâques 2025