fée verte

  • Plaidoyer pour la libération de l’Absinthe

    Plaidoyer pour la libération de l’Absinthe

    Et quoi ? ça y est non ? elle est autorisé l’absinthe maintenant non ?
    En effet, il a été finalement reconnu que la Fée Verte avait eu un mauvais procès au début du XX°, et il a donc été annulé au début du XXI°. Bravo.
    Alors quels sont les conséquences de cette mise en l’exil ?

    Reprenons un peu en amont…
    Ce n’est pas le sujet de cet article que de rappeler la spiritualité de l’absinthe (Dans le domaine des spiritueux, j’emploie facilement « spiritualité » à la place de « mythologie » : Artémis, la fée Viviane, Ste. Bibiane de Rome &c…), ni son importance consolatrice dans la société industrielle naissante. Je voudrais juste rappeler quelques points de son histoire, et les mettre en rapport avec notre façon de la définir aujourd’hui.

    L’absinthe, Artemisia Absinthium, est une plante historiquement importante dans la boisson, et particulièrement dans les boissons alcoolisées, ainsi que dans la pharmacopée. Ces deux domaines sont intimement liés dans l’histoire de la distillation, de la cuisine, et de la pharmacopée depuis leurs débuts dans l’Antiquité. On la trouve dans de nombreuses traditions méditerranéennes, car la grande absinthe est une plante méditerranéenne de montagne. La Méditerranée a toujours été en rapports étroits avec l’Orient et ses traditions culinaires et médicales. Les recettes utilisants les vertus médicinales de l’absinthe, dont des alcools, ont rapidement ajouté le complément naturel de l’absinthe au niveau de la digestion : l’anis vert. En effet, les amers tels que les absinthes ont une action apéritives et digestives par le foie et la vésicule biliaire alors que les anisés (anis vert, badiane, fenouil &c…) agissent plutôt sur l’estomac. Foie, vésicule biliaire, et estomac sont évidemment en relation et l’action de l’un agit sur l’autre. L’association des deux est salutaire au niveau médicinal et il est aisé de jouer sur leur complémentarité. Sur le plan aromatique, l’association des amers du type absinthe et des anisés n’est pas si facile et il est rare de trouver une recette qui offre un bon équilibre entre les deux. En général, l’un domine sur l’autre. Autrefois, les amers étaient plus appréciés qu’aujourd’hui, mais depuis l’introduction du chewing-gum et autres douceurs sucrées de notre société moderne, le palais craint l’amer et l’anis est maintenant presque toujours dominant. Il existe encore pourtant aujourd’hui un souvenir de l’amertume de notre belle plante dans beaucoup d’anisés méditerranéens tels certains ouzos et autres anisettes qui contiennent un soupçon d’Artemisia pour donner la profondeur due à cette grande tradition de spiritueux médicinaux (apéritif et digestif sont des termes médicinaux).
    Il existe une autre piste qui nous rappelle la présence de l’absinthe dans la liquoristerie et qui a contribué à la naissance de l’Absinthe telle qu'on la connut aux XVIII° et XIX° siècles, et depuis son retour au XXI° siècle. Ce sont les liqueurs de la famille des Chartreuses, Arquebuses &c… Je reviendrai dans un futur article sur cette tradition de liqueurs médiévales qui se développeront au XVII° siècle.
    Ces liqueurs (Chartreuse &c…), spiritueux souvent sucrés aujourd’hui mais cela n’a pas toujours été le cas, sont finalement très proches de ce qui deviendra notre Fée Verte. Ils ont un bouquet souvent très riche qui n’est pas construit sur le modèle classique des spiritueux faits d’une plante principale mise en valeur par d’autres plantes secondaires (tels que les modernes spiritueux : pastis, gins, absinthes…) mais ils sont construits sur une synergie complexe aromatique et médicinale. C’est en fait un microcosme en bouteille, une représentation de la nature dans toute sa richesse. Ces recettes contiennent toujours de l’absinthe et ses sœurs botaniques (petite absinthe, c’est l’armoise pontique, de l’arquebuse, c’est l’aurone, ainsi que d’autres : armoise vulgaire, génépi &c…). Si l’on en juge par leur popularité, ces recettes ont forcément eu une influence sur l’évolution de ce que l’on va appeler bientôt l’« Absinthe », notre Fée Verte.

    Alors d’ou vient notre absinthe moderne ? Quel est son blason ?
    L’absinthe qui s’est développé d’une façon très particulière au milieu du XVIII° siècle, particulièrement en France et en Suisse, et plus particulièrement encore dans les deux Juras, est la fille d’une longue tradition. L’absinthe qui est renée au début du XXI° siècle garde le souvenir de cette absinthe des XVIII°-XIX° siècles, elle garde aussi le souvenir de la période de diabolisation qui amènera l’interdiction (ce qui n’est ni une gloire ni une honte, c’est juste un épisode dont il faudrait bien se sortir aujourd’hui puisqu’elle vient d’une image qui a été développée par ceux qui n’aimaient pas l’absinthe). Doit-elle se souvenir de sa proto-histoire (médiévale et renaissance) ? À mon avis oui, la très riche tradition des spiritueux absinthés d’avant le XVIII° siècle est absolument incontournable et il serait temps de la connaître et de la reconnaître mieux !
    C’est ainsi que l’absinthe ne se limitera pas à l’image que l’histoire récente a laissé : un apéritif anisé, louche, avec une pointe d’amertume d’absinthe… Elle retrouvera naturellement ses cousines germaines : les Vermouths, les bitters allemands &c…
    Il est remarquable d’ailleurs de voir comme les distillateurs modernes du monde entier essayent de se libérer de cette tradition jurassienne en inventant d’autres goûts, d’autres couleurs, d’autres façons de la déguster…
    Personnellement, dans ma propre production d’absinthe, ma préférée est une absinthe verte (méthode chartreuse) très amère et très peu anisée. Elle ne correspond pas au standard de l’absinthe suisse qui doit avoir un goût d’anis et loucher plus que ma Chandelle Verte ne le fait (mais ce n’est pas ma faute, j’ai mal compris la remarque d’Alfred Jarry qui n’aimait pas l’eau qui troublait son absinthe et j’ai préféré diminuer l’anis vert au profit de la chaleureuse badiane médicinale, de l’agastache anisée, du fenouil…). Pourquoi est-ce que ma Chandelle Verte n’est pas reconnue comme une absinthe en Suisse ? Parce qu’elle ne correspond pas au standard du Val de Travers… Mais le Val de Travers est une tradition locale du Jura !, merveilleuse tradition certes, mais qui ne représente pas « l’absinthe » dans son universalité ! Mais je développerai cette question dans un article consacré à une réflexion sur la question des appellations contrôlées et leurs cahiers des charges.

    En conclusion, je tiens à rappeler que l’absinthe (Artemisia Absinthium) est une plante méditerranéenne de montagnes, endémique dans les Alpes méridionales et en Valais. Elle s’intègre dans une grande tradition de spiritueux anisés/amers méditerranéens qui perdure encore aujourd’hui (ouzos, rakis…) ainsi que dans la tradition des liqueurs médiévales souvent transmises dans les monastères (Liqueur des Chartreux, Eau d’Arquebuse…).
    La boisson a évoluée vers l’apéritif anisé/absinthé connu à la belle époque sous le nom de Fée Verte avec une tradition particulièrement développée dans les Juras suisse et Français, mais pas que.
    C’est cette dernière qui a retrouvé sa gloire au XXI° siècle, en jouant du coude avec son petit cousin, le jeune Pastis, qui avait opportunément pris sa place le temps de son exil au XX° siècle.

    Il serait intéressant de se souvenir que l’Absinthe est riche de toute son histoire et qu’elle pourrait être enrichie encore par de belles rencontres familiales, lors d'un genre de cousinade entre les spiritueux de la famille, et échanger recettes et usagesde la famille… On imagine la Fée Verte partageant ses histoires avec la vieille tante Chartreuse et leur cousin du Liban, un anisé rose-absinthe… Une absinthe libérée de son histoire récente qui retrouverait ses racines… Ce sont peut-être des racines plus profondes qui feront pousser plus haut et voyager plus loin notre Fée Verte internationale…

    Matthieu Frécon, Valais, Printemps 2022.

  • La vie des Saintes

    La vie des saintes

    Aujourd’hui 2 décembre, c’est la fête : les chrétiens et les païens fêtent Sainte Viviane. Remarquez, à Noël aussi c’est la fête pour tous. C’est bien normal, la plupart des cathédrales ont été construits sur de vieux lieux de cultes païens et la plupart des saints chrétiens sont des versions relookées des vieux héros des panthéons de la nature… Alors Ste. Bibine (sic), martyre romaine du IV° siècle réputée venir en aide pour se refaire quand on a une petite gueule de bois les lendemains de fêtes (« bois » vient ici de boisson, s’il fallait le rappeler et non des bois de Brocéliande par exemple, patrie de la Fée Viviane…) et qui guérit les migraines. Tout ça parce que son nom évoque, en latin, les libations, ou plutôt la beuverie… Ah ! on a parfois le nom pour l’emploi… Donc Bibiane, de Rome, guérit les gueules de bois et les migraines. Fort bien. En plus, la cause de son martyr fût qu’elle ne voulût point se prostituer. Comme la Bien-aimée du Cantique des cantiques qui n’était pas tout à fait d’accord pour que l’on acheta l’amour (Cantique des cantiques VIII. 9)… En somme, ça ressemble encore pas trop mal à Artémis, la déesse farouche et insoumise, qui parrainera la famille botanique des artemisias, les absinthes. Artémis, l’altère-égale de notre Fée je crois.
    Bref, devant un tel blason, il était opportun de faire une sainteté à la compagne de Merlin et il était naturel (dans la mesure ou le christianisme peut être naturel) que Bibiane l’endossa. Bibiane, l’insoumise qui prend les buveurs excessifs en pitié (quel rapport ? aucun, juste un trait de caractère bienveillant). Donc Bibiane, c’est l’incarnation chrétienne de Viviane-Artémis, ces païennes dont on ne sauraient se passer…

    Bon, et les libations alors ?
    Alors avec Viviane, il ne s’agit pas vraiment de libations. Vous savez, cette habitude de verser par terre un peu d’une boisson, alcoolisée de préférence pour le 2 décembre, en l’honneur d’un défunt ou d’un frère envoyé sous les verrous. Non, la Dame du Lac se baigne. Elle a son bain, sa fontaine dans la forêt de Barenton, laquelle parait-il, trois fois par jour, devient glacée, prend une couleur verte et un goût amer… L’histoire est claire et il n’est pas encore question de trouble, ou de louche, dans ce bain. Trois fois par jour, Viviane se baigne dans un bain artémisial…
    Pourquoi croyez-vous que l’Absinthe est la boisson des artistes de la belle époque ? Et bien parce que quand les aficionados de l’OM vomissent leur pastis sur les terrasses des PMUs, et pendant que les parpailloux s’endorment sur leurs bières (le Houblon est un sédatif qui sera préféré à l’absinthe aphrodisiaque pour amériser la bière - la cervoise était une bière antique amérisée à l’absinthe), et bien l’absinthe règne sur la nature farouche. L’absinthe est l’appel de la nature et de la féminité indomptée. C’est l’anima de l’artiste qui s’anime…

    Comment est-on passé du symbole à la réalité physiologique ?
    C’est tout simple. L’absinthe, cette belle plante sauvage est amère. Elle a un effet cholérétique (elle stimule la production de bile), cholagogue (elle purge la bile, et empêche la production de pierres), carminative (elle active l’évacuation des déchets et évacue les gaz intestinaux et stomachaux). C’est aussi un vermifuge connu (les anglais l’appellent wormwood). C’est dire qu’elle aide à la gestion de la digestion et stimule et soutient le foi, ce chef d’orchestre des organes. Le foi régule aussi la joie et la colère. Elle est encore fébrifuge, ce qui est un atout certain pour en faire une boisson médicinale. Du côté du système génital, elle est réputée pour ses vertus de régulation des cycles féminins (Artemis pas pour rien…). Enfin, du côté du cerveau, ceux qui la connaissent savent pourquoi Gauguin (qui s’y connaissait !) peignait des arbres en rose pour appeler son tableau « Les Arbres Bleus ». Les artistes savent voir les choses telles qu’elles peuvent l’être. La Verte, c’est celle que les suisses, quand elle est blanche, appellent « la bleue ». C’est un arc en ciel dans la conscience, une psychée technicolor ! Un peu plus haut encore dans le cerveau il y aurait encore beaucoup à dire et à étudier, comment fonctionne la thuyone par exemple, mais ce soir je n’ose… Voilà notre plante maitresse du vieux monde païen, notre Absinthe…

    Historiquement, celle qui deviendra à l’époque moderne l’apanage des deux Juras est à l’origine une boisson de la famille des anisés méditerranéens. Ces boissons rafraichissantes, digestives, et fébrifuges. Artemisia absinthium elle-même est une plante endémique en méditerranée. L’Orient, toujours cultivé et raffiné, se booste aux épices indiennes et asiatiques. L’anis vert venu d’extrême orient s’est joliment imposé dans ces cultures absinthées. Pas facile d’associer absinthe et anis ! Deux plantes digestives et carminatives, l’une pour le foi, l’autre pour l’estomac, l’une lunaire, l’autre solaire (bien que l’anis aide à la lactation)… Dans les recettes, il n’est pas facile de les marier et, pour des raisons sociologiques complexes qui ne sont pas à l’honneur de notre société moderne, c’est presque toujours l’anis sucré qui domine. L’absinthe devient alors le faire-valoir des boissons anisées. Juste dommage… Société laïque et mécaniste qui ne connait plus ni dieux ni nature ! L’anis est juste assez pour ton néant spirituel ! Société de tubes digestifs, sans foi ni foie…

    Heureusement, aujourd’hui, c’est la Sainte Viviane, fête païenne s’il en est (et bientôt, ce sera la St. Merlin, le 25 je crois), qui mérite bien une petite Verte bien amère ! Alors trinquons à nos Saintes !

    Ps. Il est injuste de parler d’Absinthe sans parler de ses partenaires dans les recettes : Hysope et les sauges, ses sœurs dans la famille des thuyones, la mélisse, les menthes et tant d’autres… les anisées aussi bien-sûr, juste ce qu’il faut… Une prochaine fois…

    Pps. Tant de choses à dire sur l’absinthe que je n’ai pas abordé… Ne croyez pas que j’ai oublié ! Mais d’autres l’ont déjà fait mieux que j’aurais pu le faire moi-même. Par exemple récemment Benoît Noël, Bastien Loukia et Aude Fauvel dans « Sur les ailes de l’Absinthe » une superbe bande dessinée aux éditions BVR 2021.


    Matthieu Frécon, un enfant de chœur de la Sainte Abbée, Sarreyer le 2 décembre 2021.

  • De la recette du "tremblement de terre" de Toulouse-Lautrec par Benoît Noël

    De la recette exacte du « cocktail » Tremblement de terre de Henri de Toulouse-Lautrec

    Par Benoît Noël The chap book

    Voilà, douze ans, je répondais à David Nathan-Maister, m’interrogeant sur la composition exacte du fameux Tremblement de terre, concocté par Henri de Toulouse-Lautrec, que la meilleure source était la remarquable biographie de Henri Perruchot. Néanmoins, celui-ci se référait à un ami de Lautrec, Achille Astre, lui-même auteur d’un livre rare qui vient enfin de me tomber sous la main.

    Vers 1895, la gentry fin-de-siècle de l’hexagone s’entiche des cocktails et un de ses plus célèbres adeptes est le peintre Henri de Toulouse-Lautrec qui balance entre expérimentation radicale et science du dosage… (lire la suite)

  • Préparer son absinthe

    Préparer son Absinthe…Verte van gogh

    Hier soir, nous fêtions je ne sais plus quoi, et comme il est l’usage, le champagne était au cœur du rituel. Et comme il est de mon usage dans ces cas là, je n’ai pas résisté à aromatiser mes bulles de l’esprit vivian : une petite dose de Chandelle Verte au fond de la flute. J’ai pris goût, grands dieux ! à ces cocktails modernes et il est peut-être temps de faire le point sur les bonnes et les mauvaises façons de boire mon alcool préféré : l’Absinthe.
    Chandelle verte champagne

    Les bonnes et les mauvaises façons de préparer sa Verte ou sa Bleue…

    Alors, on va partir du fait que l’Absinthe, le spiritueux, ne naît pas du jour au lendemain dans le laboratoire d’un savant fou du Val de Travers ou d’ailleurs, mais qu’elle est le fruit d’une longue tradition de préparations d’élixirs-spiritueux de plantes qui ont pour mission de soutenir le moral et réparer le corps. Ce sont des alcools fait pour le corps autant que pour l’esprit. L’Absinthe - Artemisia Absinthium - étant une plante médicinale majeure, elle est présente dans de très nombreuses recettes depuis les temps (et les régions) les plus reculés.

    Avant que n’apparaisse l’apéritif que l’on désigne sous le nom d’Absinthe ou Fée Verte qui se développera en Suisse et en France au XIX° siècle, il était l’usage de faire des alcools forts que l’on buvaient allongés d’eau. C’est l’origine de la première version de cette préparation, assez primitive, que l’on rencontre encore dans les régions les plus traditionalistes comme le Jura par exemple et un peu partout depuis le développement du pastis et de l’Olympique Marseille (qui n’est pas un spiritueux).
    C’est ainsi que les jurassiens boivent encore leur Bleue : la liqueur blanche est allongée d’eau dans un grand vert, l’anis contenu révèle son caractère louche et l’affaire est réglée.
    C’est la version 1 du rituel de l’absinthe.
    Rituel discre te marc thuillier

    La Belle Époque parisienne doit son nom à un mélange détonnant entre une culture artistique merveilleuse qui apparait dans un contexte social abominable. C’est ainsi que l’alcoolisme se développe et contribuera à la perte de notre muse apéritive, et c’est en même temps sous son influence qu’accoucheront les plus belles œuvres artistiques qui chanteront les louanges d’Artemis, la vierge farouche et redoutable, la féminité nécessaire aux artistes et aux ouvriers de la nouvelle société sans âme (au tournant du XX° siècle, pas la société sans âme du tournant du XXI° siècle laquelle rappellera la Fée à son secours en 2005).

    Cette magnifique société est festive et l’exposition universelle de Paris en 1889 verra l’érection de la tour Eiffel et probablement l’invention de la cuillère percée (en forme de tour Eiffel), qui deviendra rapidement l’accessoire emblématique du rituel de l’absinthe.
    Il est dorénavant officiel que la Fée Verte se prépare avec cette « pelle » qui soutient le sucre qui se trouve alors au-dessus de la liqueur. Il reste à la « fontaine à Absinthe » le soin de faire couler les gouttelettes d’eau fraiche sur le sucre pour que le sirop vienne adoucir l’amertume de l’apéritif. Ce rituel d’esthètes semble avoir été élaboré pour des raisons de marketing dans le but de faire boire ces dames des bistrots parisiens pour la parité dans l’ivresse…
    Cette version 2 du rituel de l’Absinthe est indéniablement la plus répandue. C’est la façon officielle de bien préparer une absinthe quand on a de l’éducation et que son amertume demande un sucrage, ce qui n’est pas toujours nécessaire avec les modernes et doucereux pastis à l’absinthe du commerce courant actuel.
    Une partie de pe che

    Cette belle époque et sa bohème pouilleuse aux loques pleines de taches de peinture à l’huile ou d’encres indélébiles laisseront à la Fée Verte la réputation de Muse des Artistes. A-t’il jamais existé une telle entente entre cette bohème inspirée de ces poètes et peintres miséreux et un alcool ? un esprit ? L’union a été parfaite. C’était Héloïse et Abelard, c’était Viviane et Merlin, ou Salomon (dans le rôle de la verte) et la Sulamite (dans le rôle des Rimbauds)…
    Les poètes de la belle époque ont bel et bien disparus avec Elle, c’est un fait, et la poésie trouvera quand-même d’autres esprits consolateurs pour survivre.
    Mais la disparition de la Fée Verte laissera une petite amertume que l’on n’oubliera pas. Ainsi, dans les années 60’, à la suite des Burroughs et des Kerouac, les poètes maudits d’outre-atlantique retourneront en Bohème chercher l’esprit de Montparnasse (la géographie n’est pas une science exacte en Amérique…) et, dans un tchèque approximatif, les poètes ricains tenteront de retrouver l’absinthe dans les zincs praguois… « Pas de problèmes » répondent les tôliers tchèques, « Revenez demain ! ». C’est ainsi que la Fée Verte est revenue dans les bars et est devenue la nouvelle héroïne des clochards célestes aux pays de l’étoile rouge. C’est d’ailleurs la blanche, la vraie blanche, l’héroïne, de ces petits-enfants américains de Rimbaud qui inspirera un nouveau rituel à la Verte de l’ancien monde : l’Absinthe flambée.
    Vous n’avez jamais préparé d’héroïne ? pas grave, ce n’est pas nécessaire. Ici, c’est l’Absinthe qu’il faut verser sur le sucre (qui est encore posé sur sa cuiller percée), enflammer ce sucre dégoulinant. C’est bientôt le verre tout entier qui sera enflammé, et puis lorsque le sucre commencera à caraméliser. Il reste à éteindre l’incendie avec de l’eau fraiche. Le procédé est spectaculaire et le résultat intéressant pour le goût caramélisé caractéristique… La motivation qui a animé l’invention de ce nouveau procédé possède une certaine noblesse (plus que le but mercantile et publicitaire qui est à l’origine du rituel de 1889 en tous cas, on doit le reconnaitre…) et ce rituel barbare qui évoque plus le cirque américano-romain que la fontaine de Barenton à Brocéliande (le site de Viviane) mérite toute notre attention. Je vous invite à l’essayer si vous ne l’avez déjà fait.
    C’est la version 3 du rite de l’Absinthe.
    Ps. Lisez Dale Pendell, le poète des plantes psychotropes et inventeur de recettes d’Absinthes de cette époque en sirotant votre Fairy.
    absinthe flambée

    Comment choisir ?
    Votre accent jurassien ou marseillais trahit votre goût pour une tradition simple, sans fioritures : c’est la version 1 qui vous laissera siroter tranquillement votre anisée haute en couleur.
    Vous avez besoin de temps pour faire les choses, pour les laisser apparaitre dans votre Jacqueline : optez pour une préparation longue sous la Fontaine. Version 2.
    Vous voulez attirer l’attention dans un bistrot et vous ne craignez pas d’être expulsé manu-militari comme un pyromane irresponsable : Osez la version 3 du rituel sans hésiter !
    La fe e rouge

    En fait, les rituels sont multiples, mais les absinthes aussi… entre les Bleues du Val de Travers qui sont hérités du breuvage du XVIII°/XIX° siècle, pas assez amères pour avoir besoin de sucre et que l’on boit donc simplement allongées d’eau comme un vulgaire Ricard (rituel 1) ; entre la Vertu amère de l’Absinthe Belle Époque parisienne qui demande d’être adoucie d’un sirop pour révéler toute sa profondeur aromatique (rituel 2) ; ou encore la brutalité du monde moderne qui s’exprime dans les Absinthes ayant souffert de la prohibition, Absinthes brutes aux arômes simples et fumés et excessivement anisées en provenances des moonshiners de la Nouvelle Orléans ou des industries d’Europe centrale ou d’Espagne, Absinthes élevées au Jazz bien sûr (rituel 3), chaque absinthe a son rituel… Vous avez le choix…

    Voici les bonnes façons de préparer l’Absinthe (1 & 2), et la mauvaise (3). Voici la tradition.

    Alors les buveurs d’absinthes sont devenus traditionalistes ? Le traditionaliste n’apparait pas avec la tradition mais il la créé quand il n’a plus d’autres idées, quand il n’a plus rien d’autre à faire… Tant que la créativité vit, la tradition attends son heure. Quand l’époque n’est plus créative, elle peut devenir traditionaliste. C’est peut-être un peu le cas pour l’Absinthe qui vit une renaissance timide.
    Nous chercherons plus tard les raisons qui font que l’Absinthe n’est apparemment plus la Muse des artistes et des créateurs, pour l’heure je voudrais juste rappeler qu’il existe mille façons de préparer son Absinthe. Le rituel est important en ce qu’il permet de relier la boisson avec un élément de sa vie. Il permet de transformer un alcool en un esprit. À chaque alcool son esprit, et son rituel…
    Les chandelles vertes

    Hier soir donc, je buvais mon Absinthe-champagne (une Chandelle Verte très amère) comme Alfred de Musset buvait son Absinthe-cognac… À l’arrivée des premières neiges, je règle ma Verte à la neige saupoudrée de sucre en poudre, ça fait penser à une pâtisserie !
    Cornet neige
    Il existe aussi des gourmets qui ont une science très précise du louche (action de préparer son absinthe pour la faire loucher, c’est-à-dire troubler) tel mon ami René Wanner (Distillerie Absintissimo à Genève et dans le Val-de-Travers) dont j’admire particulièrement la « 68…Harde » qu’il prépare ainsi : en apéritif : 1 dose d’Absinthe pour 2 à 3 parts d’eau (comme notre propre « Étoile d’Argent »), mais en digestif il faut : « Faire tomber quelques gouttes d’eau dans un verre d’absinthe » (il faut voir René préparer sa Bleue et vous comprendrez ce que le mot rituel veut dire !).
    Rene wanner le trouble

    Pour finir, le chemin de l'Absinthe, le vrai, qui mène à notre distillerie de Sarreyer en Valais…
    Le chemin de l absinthe chez edelweiss distillerie

     

     

              Matthieu Frécon, Edelweiss Distillerie, Sarreyer. Mars 2020
     

    Sources : Benoit Noel, René Wanner, Dale Pendell…
    Photos, de haut en bas : Van Gogh, Absinthe Champagne (MF), La discrète du Val de Travers (Marc Thuillier), Une partie de pêche (circa 1900), Absinthe Flambée (MF), Quel rituel pour celle-ci ? Awen Nature, Les Chandelles Vertes (Benoît Noël/MF), René Wanner, Le chemin de la Tuaille, qui mène à notre distillerie… (MF).

            

     

    Absinthes edelweiss distilleriehttps://edelweiss-distillerie.ch/

  • L'Absinthe Ordinaire

             L'Absinthe OrdinairePicasso la buveuse d absinthe de tail

              L'Ordinaire est-elle l'Originelle ?

    La légende de l'Absinthe, l'Herbe Sainte, la fée et muse des peintres de la belle époque et déesse des fontaines légendaires trouve probablement sa source dans les nuées olympiennes. L'Arthémisia Absinthium et ses cousines (armoises, génépi…) fût d'abord utilisée par les brasseurs celtes, les moines chrétiens et les sorcières médiévales (Artémis est la déesse de la féminité libre). Elle entre à l'époque classique dans la composition de recettes de spiritueux aux buts ambiguës qui servent parfois à la biture et parfois à la santé. L'Arquebuse ou la Chartreuse en sont des exemples (je reviendrais plus tard sur cette autre verte célèbre).

    On raconte qu'un certain Docteur Ordinaire fuyant les révolutionnaires avinés (toujours cette querelle entre le rouge et la verte…) s'installât dans le Jura Suisse, à Couvet où il fréquenta une certaine dame Henriot avec qui (je me fais un roman, vous me pardonnerez…) fût élaborée une certaine boisson apéritive aux vertus thérapeutiques. Cette combinaison gagnante (à la fois boisson et remède) sera souvent rééditée, par Coca-cola par exemple…
    Bref, il semble que l'histoire de la recette originelle inventée par le bon docteur soit une légende, et que les spiritueux amers à base d'absinthe se soient simplement développés à cette époque (fin XVIII°s et XIX°s..) en France et en Suisse sous l'effet de la mode et de l'activité dynamique de quelque liquoriste probablement jurassien.
    Alors, si l'absinthe Ordinaire n'existe finalement pas, ce qui n'étonnera personne, quelles sont les recettes historiques de l'absinthe… extra-ordinaire ?

    La liqueur célèbrissime entre toutes fût interdite pendant près de 90 ans en Suisse comme en France, son souvenir est resté très vivace tant les artistes français de la belle époque l'ont chantés ou peints…
    Lors de son retour sur la scène au début du siècle, de l'eau et du pastis étaient passés sous les ponts de Pontarlier et d'ailleurs, les goûts et les couleurs avaient changés, et la nouvelle Verte, ou Bleue chez les Hèlvêtes (chez qui elle est d'ailleurs souvent blanche) hésita quelque peu entre une tradition quelque peu mythique et une modernité passablement ennuyeuse. On trouve aujourd'hui plusieurs écoles :
    L'Absinthe du Jura Suisse du Val de Travers (qui mérite une étude à part, on y reviendra), est assez identifiable : elle est souvent blanche, assez anisée, les suisses la boivent en général sans sucre (et donc sans cuiller). La Verte française est plutôt verte, anisée et souvent riche en arômes. Les arômes sont plus diversifiés et l'on trouve des liqueurs atypiques de toutes couleurs. Il y a aussi les vermouths allemands, plus amers qu'anisés et peut-être plus proches des Vertes des vertes années. Enfin, la liquoristerie moderne et globale propose des absinthes originales inspirées des cultures et des marchés du monde, parfois très fines (Japon, Amérique…). Les absinthes espagnoles ou tchèques ont été crées pour des questions de marché et ne correspondent pas vraiment à une culture. Elles ne sont d'ailleurs pas immortelles à mon sens.

    Val de travers la socie te de consommation

    La Société de consommation, secret du succès de l'absinthe du  Val-de-Travers, Suisse. En haut : Picasso : La buveuse d'Absinthe, détail.

    N'ayant jamais goûté à une absinthe de la grande époque, j'ai toujours pensé que l'amer a toujours dominé, alors que l'ère du pastis a favorisé la douceur sucrée de l'anis. En fait, l'anis est une plante médicinale majeure (c'était aussi la base du Tamiflu :-) ) aux vertus apéritives et dont l'arôme est très complémentaire de l'absinthe et j'ai bien l'impression que les absinthes étaient à l'époque tout aussi anisées qu'aujourd'hui.

    Benoi tComme je suis en train de monter une distillerie d'Absinthe dans le Valais suisse, j'essaie toutes sorte de recettes pour toucher les cœurs des buveurs d'aujourd'hui (et avec l'espoir secret d'inspirer une nouvelle génération de Van Gogh ou de Rimbaud…). J'essaie bien sûr les veilles recettes classiques à défaut d'être "ordinaires". En voici une que publie le héraut actuel de la Fée Verte, Benoît Noël, dans "Un mythe toujours vert : l'Absinthe" à l'Esprit Frappeur, 2000 (jolie petite maison qui a publiée l'un de mes livres de chevet : "Travailler ? moi, jamais !" par Bob Black). Cette recette vient du "Nouveau dictionnaire des sciences et de leurs applications" (XIX°s.).

    La recette est assez curieuse, mais comme souvent avec les vieilles choses, il n'est pas forcément facile de comprendre ce que l'auteur à voulu dire (alors que c'est souvent le sens premier qu'il faut suivre, en dépit de notre incrédulité - manque de confiance envers la sagesse des anciens). J'ai décidé de suivre la recette à la lettre, et de juger sur le verre ensuite.

    La recette :
    Grande Absinthe sèche et mondée : 2 500 gr.
    Hysope fleurie sèche : 500 gr.
    Mélisse citronnée sèche : 500 gr.
    Anis vert pilé : 2 000 gr.
    Alcool à 85° : 16 litres.

    On fait macérer le tout dans la cucurbite d'un alambic pendant 24 h. Après addition de 15 litres d'eau, on distille jusqu'à ce qu'on ait recueilli 15 litres de liquide, c'est-à-dire un peu moins de la moitié du liquide employé. On ajoute 40 litres d'alcool à 85° et 45 litres d'eau. On laisse reposer pour clarifier la liqueur, qui a le volume de 100 litres. On colore avec un mélange de safran et de caramel. On peut faire varier le goût de la liqueur par addition au mélange précédent de plantes diverses telles que la menthe poivrée, le fenouil de Florence et de la coriandre. Quelle que soit la recette suivie, on obtient une liqueur dont le goût plaît à un grand nombre de consommateurs.

    Mes commentaires :
    La liste de plantes est très simplifiée, mais on a ici la base de la recette. L'idée de faire une macération de 24 h. est intéressante, bien que ce soit surtout adapté aux plantes (feuilles…), alors que l'anis supporterait une macération plus longue.
    L"alcool à 85° est bien adapté pour une extraction essentielle et rapide. L'ajout d'eau à la distillation est nécessaire si l'on n'est pas pyromane. Le distillat contient donc l'alcool de départ.
    Je ne comprend pas trop le pourquoi du rajout d'alcool à 85° et d'eau après macération et distillation, il me semble que les arômes vont être dilués par cette opération. Il me semble que pour avoir un maximum d'arômes sans excès, il faudrait plutôt adapter les rapports plantes/alcool et faire macérer/distiller le tout ensemble. Nous verrons que l'expérience semble indiquer que j'ai raison.
    Le d° final est proche de 45°, ce qui est faible pour une liqueur à diluer avec un sucre sur la cuiller rituelle, mais c'est peut-être un indice que cette absinthe était à boire pure ou peu diluée, probablement sans sucre.

    J'ai divisé les quantités des plantes de la recette de base pour avoir une macération dans 180 ml. de bon esprit-de-vin maison (vous ne savez pas le faire ? voyez ici : http://www.devenir-distillateur.com/blog/technique-de-distillation-des-alcools/on-ne-peut-plus-acheter-d-alcool-a-la-pharmacie-comment-faire.html) à 85°, auquel j'ai rajouté 320 ml après distillation pour obtenir 500 ml de Verte blanche. Distillation à la tête de maure (on en trouve ici : http://www.ebay.de/itm/Destillierapparat-mit-Erlenmeyerkolben-2000-ml-/310481032695?clk_rvr_id=1085871860334&rmvSB=true).

    Voici les tests des deux alcools obtenus :
    Le premier, juste distillé et non dilué comme indiqué en fin de recette : préparé selon le rituel consacré : verre, cuiller, sucre… Joli louche pâle, arôme très anisé et peu profond. J'ai l'impression d'une recette pratique pour l'industrie et la consommation brute, la boisson n'est pas extrêmement fine…
    Le second, après dilution dans l'alcool à 85° pour avoir la proportion plantes/alcool de la recette (l'eau est rajoutée à la préparation) : pareil en moins louche et moins aromatique, quelques faux-goûts de plantes apparaissent.
    Je ne vois pas bien le sens de cette recette mais il est intéressant de connaitre la pratique de l'industrie de l'absinthe de la grande époque. Je pense qu'il en faudrait plus aujourd'hui pour relancer l'inspiration artistique au XXI°s. …

    Les absinthes que nous mettons au point maintenant dans le Val de Bagne (ma nouvelle distillerie) et qui seront prêtes pour la cuiller à l'automne prochain contiennent une trentaine de plantes médicinales et aromatiques la recette tourne autour de celle-ci. Le but du spiritueux restant la qualité de l'ivresse, il est important que les plantes aient un intérêt aromatique et médicinal. La combinaison élixir/boisson est essentielle, cela évite les aller-retours inutiles entre la pharmacie et la cuisine ! Les plantes fraiches sont évidemment plus vivantes, plus actives que des plantes sèches. L'esprit-de-vin issue de vins natures et bien distillés compte beaucoup pour l'assimilation des principes et pour la digestion.
    Je vous donnerai une recette avec son procédé un peu plus tard quand ce sera prêt. On vous fera une recette spéciale "devenir-distillateur"… (mais vous pouvez ajouter vos recettes en commentaires si vous voulez partager).

    En attendant : d'autres recettes dans mon bouquin l'Alambic, l'Art de la Distillation, Alcools, Parfums, Médecines (http://www.devenir-distillateur.com/pages/acheter-le-livre/) qui contient une belle contribution de Benoît Noël. Sur Benoît et sur la Fée Verte, son site : http://bnoel.herbaut.de/

    Et puisque l'on parle de Benoît Noël, voici un très joli article qu'il m'a consacré : http://bnoel.herbaut.de/devenir-distillateur/
    Ape ro chez benoi t noe l

    Au-dessus : souvenir de l'apéro chez Benoît…

    Les essais :

    Vue ae rienne sur le labo

    L absinthe pre te re gle e a la neige suisse

    En haut : Vue aérienne sur le labo… En dessous : la Verte (qui est jaune) fraichement distillée à gauche, le verre prêt pour la dégustation, le bocal contient la neige suisse pour le réglage (indispensable ! exigez la Neige Suisse !).
    Plus bas : Le Buveur d'Absinthe

    C a a l air louche

  • Absinthe

    Une convergence d'éléments me ramène, c'est d'ailleurs chronique, à l'absinthe…

    Tout d'abord, je reviens d'un long voyage en Asie où j'ai eu l'occasion de distiller, entre des mangues et des litchis (je vous en parlerai très bientôt : en Thaïlande pour le compte d'une distillerie naissante, au Vietnam &c…) de l'Artemisia Annua, la variété asiatique de l'absinthe. Cette plante, plus que les autres apparament, est souveraine contre le palud.

    Rappelons que l'on doit le développement de l'absinthe (et de pas mal d'autres produits classés depuis parmis les drogues proscrites, LSD en tête) par l'armée. En l'occurence l'armée française en Afrique du Nord au XIX° siècle qui a trouvé avec notre fée un moyen de lutter contre la fièvre, entre autre.

    Actuellement, l'Artemisia Annua a toute l'attention de l'OMS qui voudrait en interdire l'usage généralisé dans le cadre de la lutte contre le paludisme pour empêcher les mutations de la maladie et réserver ce traitement reconnu aux malades les plus désespérés (j'admire cette politique de réserve que j'aurais aimé voir appliqué à l'usage des antibiotiques ou autres vaccins contre la grippe, ça viendra en son temps).

    les-absinthes-aisatiques.jpg

    Distillation d'huile essentielle d'absinthe

    Lors d'un séjour au Vietnam chez mon ami Laurent Séverac (qui présente son travail dans les pp. 179 à 186 de la 1° éd. de "L'Alambic"), nous avons distillé cette absinthe précieuse. Distillation classique à la vapeur. Laurent utilise son huile essentielle dans ses parfums et dans une liqueur, une Absinthe aux huiles essentielles, que nous avons eu l'occasion d'apprécier au cours de belles soirées à Hanoï. C'est une liqueur forte et très corsée, très particulière et qui a, comme les nôtres, cette faculté de faire ressortir du fond de notre être profond cette nostalgie qui redonne la force et surtout l'espoir devant l'infini…

    Huile essentielle d'absinthe ? relèverons les spécialistes de l'histoire populaire de la chandelle verte… En effet, l'huile essentielle d'absinthe (l'extrait d'absinthe pour être précis) a été interdite en France en 1907, soit 8 ans avant l'interdiction de la boisson elle-même, pour cette fameuse question de teneur excessive en thuyone. Les analyses faites par Laurent Séverac à Grasse infirment une fois de plus le bien fondé des attaques contre notre fée : l'huile essentielle d'Artemisia Annua ne contient pas de thuyone en taux excessif.
    arrivee-a-la-distillerie.jpg distillation-de-l-absinthe.jpg





    La muse des poètes : "L'Absinthe" d'Aleister Crowley


    Cette journée magique de distillation d'absinthe me rappelle cette page écrite en français vers 1917 par le mage et poète Aleister Crowley publiée par le musée virtuel de l'absinthe et à l'époque dans la revue new-yorkaise The International (La légende de l'Absinthe sous le pseudonyme de Jeanne la Goulue, qui était une danseuse connue à Montmartre à cette époque). Crowley, personnage aussi extravant que complexe est l'un des plus grands explorateurs de l'imaginaire de tous les temps, ses cocktails contiennent parfois de l'absinthe, il pratiquait aussi les mélanges de grands vins dans le verre (voir son journal intime parisien "John St. John"), et toute sortes de choses moins recommandées par l'OMS notamment et qui auront pourtant un impact décisif sur la civilisation naissante de l'après 2° guerre mondiale. Alpiniste, il a signé une première sur le K2 himalayien en 1902. Enfin, la nécessité ou l'aisance l'ont parfois poussé à gagner sa vie en jouant aux échecs jusqu'à 6 parties simultanément, à l'aveugle évidemment.

    l-absinthe-aleister-crowley.jpg

    (Pour en savoir plus sur l'actualité éditoriale de Crowley, voyez ici)


    & pour finir en beauté Benoît Noël

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    Pour  achever de vous mettre en bouche et avant d'enfin vous servir une petite verte (vous ne pourrez plus résister à l'envie), le délicieux écrivain et spécialiste entre tous de l'absinthe Benoît Noël a fait cette jolie "interview au coin du feu" que je relaie maintenant.

    Merci à Benoît pour son aide dans mon travail sur l'absinthe notamment, et surtout pour consacrer son talent à transmettre l'esprit subtil de la Fée Verte dans ses publications qu'il présente ici : http://www.herbaut.de/bnoel/ et que je vous recommande absolument.