eau-de-vie du Languedoc

  • Les Eaux-de-vie de la vigne

    Les familles d'eaux-de-vie de raisin

    Quelques pistes pour s'y retrouver, quelques conseils…

    Pour commencer cette petite série sur les spiritueux, je vais vous parler de ce que je fais (c'est plus facile et plus fiable…)
    Dans le midi, le Languedoc plus exactement, je distille principalement les fruits de la vigne.

    Le raisin donne 3 catégories d'eaux-de-vie :

    • Les eaux-de-vie de raisin : on met les raisins égrappés ou non à fermenter dans un bidon, quand c'est prêt, on distille comme n'importe quelle prune ou autre fruit. Ces eaux-de-vie peuvent être plus ou moins fruitées selon le cépage. Le muscat ou le grenache peuvent donner d'excellentes eaux-de-vie blanches (qui ont vieillies dans une bonbonne de verre ou un fût en inox), mais la plupart des cépages seront trop neutres pour être bus sous cette forme : il faudra les faire vieillir en fût de bois (chêne le plus souvent) ou les utiliser pour faire d'autres spiritueux (liqueurs, vins de fruits, pastis, absinthe…).
    • Les eaux-de vie de vin : on presse le raisin avant (pour les blancs) ou après (pour les rouges) fermentation, on distille le jus. Ce sont les Fines, les Cognacs, Armagnacs et autres Brandy (vin "brûlés", c-à-d. distillés). Ces eaux-de-vie n'ont en général pas assez de caractère pour être bues blanches : on les élève en fût la plupart du temps (le fait que les eaux-de-vie de vins soient assez neutres est un atout pour un mariage facile avec le tonneau). Il y a des exceptions à cette tradition d'eaux-de-vie de vin ambrées, de plus en plus et l'on trouve maintenant des Cognacs et des Armagnacs blancs, ainsi que des fines de cépage (par exemple, la fine de Terret que j'ai distillé pour le domaine La fontude à Brénas), souvent fruitées. Ma Fine de Muscat, souple et fruitée, en est un autre exemple. Ce sont les eaux-de-vie blanches de vins peu fruitées qui fournissent les meilleurs alcools "neutres" destinés aux préparations (liqueurs &c…)
    • Les eaux-de-vie de Marcs, enfin, sont très connues : marcs de gewürtzraminer ou de muscat d'Alsace, Grappas italiennes, marcs de Bourgogne… Ces marcs sont les résidus du pressurage du raisin. Ils contiennent beaucoup d'éléments solides (rafle, pépins…) qui leur donne un caractère très puissant. Ils peuvent être traités comme des fruits : dans ce cas, les fermentations sont courtes et la distillation n'attend pas, les eaux-de-vie seront alors fruitées et feront des eaux-de-vie blanches (l'Alsace fournit les meilleurs expemples) Les cépages sont des cépages fruités, souvent issus de raisins blancs. En Bourgogne, et dans d'autres régions, on a l'habitude de laisser les marcs fermenter longuement en silo, marcs de raisins rouges. Ces eaux-de-vie sont moins fruitées et sont élevées en tonneau (eaux-de-vie ambrées).

    Blanches ou Ambrées ?
    Vous avez compris, les eaux-de-vie de caractères sont en général bues blanches, les autres, plus souples et plus neutres ont droit à un long élevage en tonneau. Pour les blanches, l'élevage dure quelques années : le temps que l'alcool et l'eau se mélangent et que les arômes s'y retrouvent., Pour les ambrées, traditionellement, plus le temps passé sous bois est long, meilleurs c'est. Dans une certaine mesure, c'est vrai : complexité, mariage alcool/bois &c… augmentent, mais c'est au détriment de la simplicité (qualité souvent négligée) et du fruit et les plus nobles ne sont pas toujours les plus agréables. Je travaille au développement de techniques permettant d'allier les qualités du bois (rondeur, douceur, sucrosité…) avec celles des eaux-de-vie blanches (fruité) avec des passages en bois plus brefs. Les zones du palais ou de la gorge éveillées par ces deux familles ne sont d'ailleurs pas les mêmes.

    Le degré
    On remarque que le degré alcoolique des spiritueux a une tendance générale à la baisse : même le bouileur de cru qui réglait autrefois sa gnôle (ne voyez dans ce terme aucune marque péjorative à ce joyau du patrimoine rural que j'admire pour de nombreuses raisons qui dépassent les qualités gustatives) à 50° bien tassés descend aujourd'hui sans regrêts, ou presque, jusqu'à 45° (degré habituel en Alsace). Pour une fois, c'est l'industrie des spiritueux qui a amorcé le mouvement, mais pour des questions financières plus qu'autre chose.
    J'étais partisan des réglages à 45°, mais je dois reconnaître que j'apprécie plus maintenant les degrés plus faibles (sauf pour certaines eaux-de-vie de caractère très puissant, comme mon eau-de-vie de pomme-de-terre -non commercialisée).
    D'une manière générale, une mauvaise eau-de-vie est toujours trop forte, mais cela ne vient pas de l'alcool, mais du manque d'arômes qui produit un déséquilibre.
    Il y a un art de choisir le degré très précis qui convient à chaque eau-de-vie, je reconnais avoir négligé cette attention qui est une spécialité rare chez les distillateurs (c'est très difficile à gérer). Je propose deux eaux-de-vie de vin assez proches, l'une (Fine Faugères 2000) est réglée à 45° (45%vol) ce qui rajoute à sa noblesse et sa puissance, longueur &c…, l'autre (Fine Faugères 2005) est descendue à 40°, ce qui met en valeur son fruité et la rend plus souple et facile. Je n'ai d'ailleurs pas de préférence entre les deux (vous pouvez essayer les deux ;-).

    Les arômes
    Indépendamment de la pureté des arômes (qualité de la matière première, pureté de l'eau de réglage, et malheureusement aussi, adjuvants et caches-misères divers), des types d'arômes, et de l'équilibre arôme/alcool qui est capital, je voulais noter une chose simple et qui n'attire pas souvent l'attention : certaines eaux-de-vie blanches sont plutôt mono-aromatique comme la poire ou le muscat, alors que d'autres sont beaucoup plus complexes (comparez muscat et grenache, ou pomme et poire sur ce plan). Les eaux-de-vie plutôt mono-aromatiques sont moins facilement moyennes, elles sont soit excellentes, soit sans intérêt.
    Les eaux-de-vie vieillies en tonneau sont forcéments plus complexes, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours à leur avantage, mais les rend plus plus facilement moyennes, et plus faciles à apprécier. Allier complexité et excellence n'est pas une chose simple. Les eaux-de-vie complexes sont plus exigeantes au niveau de l'équilibre fruité/corsé.

    A quelle température boire ?
    René Dumay dans son Guide des alcools rappelle les 5 façons d'améliorer ou de boire un mauvais alcool : édulcorer (sucre), aromatiser (plantes…), boire vite, mettre en tonneau, et, boire froid.
    à de rares exeptions (la framboise par ex.), la plupart des bons alcools se boivent à température ambiante. Essayez, et choisissez, je n'ai de meilleur conseil…

    Quelle quantité faut-il boire ?
    Heu, là en fait, vous voudrez bien m'excuser mais on m'appelle… je reviens très bientôt !

    Merci de m'avoir bu…
    Et merci de visiter ma boutique !
    Matthieu

  • Une journée de distillation

     

    Une journée à l'atelier de distillation

    Notre petit atelier de distillation du faugérois (région de l'appellation "Faugères", située entre Béziers et Bédarieux, dans l'Hérault) est spécialisé dans la distillation des vins : vins de Faugères pour la "Fine Faugères", de Montpeyroux pour la "Fine de Montpeyroux", ou encore la "Fine de Muscat de Frontignan" et autres Eaux-de-vie de vins du Languedoc
    Mais toute l'année, je distille toutes sortes de moûts : des fruits, de la bière, des roses &c…

    La semaine dernière, nous avons eus (moi-même accompagné des bouilleurs de cru et d'alcoollègues en herbes) une journée intéressante : nous avons cuit des figues, du vin de miel, et saccharifiés des châtaignes.

    Les figues :
    le bouillleur de cru charge ses figuesLa fermentation en milieu trop peu hermétique (le couvercle des bidons n'était pas complètement fermé) a produit un moût plus ou moins piqué. De plus, l'une des cuites a attaché au fond de la marmite de l'alambic à feu nu (le très faible degré m'a engagé à pousser un peu trop le feu, fatale erreur qui coûte plusieurs heures de nettoyage). Les prochains bidons seront distillés au bain-marie.



        Le miel fermenté (il s'agissait de lies d'hydromel) distillation de miel fermenté au bain-marieest extrêmement aromatique, comme il colle facilement, je l'ai distillé au bain-marie : la première passe (je distille tout en deux passes) est déjà très prometteuse.

     

    La châtaigne contient beaucoup de sucre potentiel sous forme d'amidon : il faut donc la préparer selon l'art du brasseur (comme les vodka et autres whiskies). La première étape est donc la saccharification. Il s'agit de faire cuire le fruit avec des enzymes en faisant des paliers à des températures précises, spécifiques à chaque matière première. La pâte sucré qui en résulte est alors mise en fermentation avec des levures.
    …Vous aurez la suite au prochain numéro, à la fin de la fermentation !Les fruits épluchés sont prêts à être empatés